lundi 5 avril 2010

Éloge de l'escrime


Si l'escrime est un sport, elle pourrait être aussi une métaphore de l'existence, si on l'envisage comme un combat permanent pour faire triompher sa volonté. Mais l'escrime est aussi un jeu qui nous dit qu'il ne faut pas trop prendre les choses au sérieux, sinon on risque d'écharper pour de bon son adversaire.
En fait, l'escrime combine à priori deux choses inconciliables que réunissent pratiquement tous les sports: la violence inhérente à chaque individu et les règles qui permettent à cette violence de s'exprimer. Un duel est limité dans l'espace et dans le temps. De même, à la différence de l'épée, la pratique du sabre oblige l'escrimeur à toucher seulement le torse de son adversaire. Enfin, comme dans les sports type judo ou karaté, le respect de l'adversaire se marque au début et à la fin de chaque combat par un salut.
L'escrime est avant tout un sport défensif. Celui qui "tire" en premier n'est pas du tout assuré de faire une touche. Bien plus, j'ai souvent vu des escrimeurs trop offensifs -et j'en suis un moi-même- se faire battre par des adversaires moins aguerris au combat. Etre sur la défensive offre un avantage: on observe celui qui s'agite en face et, le moment choisi, on lui porte le coup fatal. Cela me rappelle cette maxime de Sun-Tse, maître taoïste et stratège judicieux: celui qui déclare la guerre finira par la perdre.
Pour en revenir à la violence, on peut dire qu'un bon escrimeur est celui qui est parvenu à canaliser ses impulsions afin de les transformer en un geste précis et sûr, d'où toute violence se trouve justement exclue. Le mauvais escrimeur, lui, n'est qu'un "viandard" qui se croit dominant, car il s'agite beaucoup et cherche à impressionner son adversaire.
D'autre part, ce n'est pas l'arme qui fait le bon escrimeur: épée, bâton ou tringle à rideaux, tout est bon pour engager un duel, à condition bien sûr que les escrimeurs se battent à armes égales (deux tringles à rideaux, par exemple). Comme en boxe, l'essentiel réside dans la capacité de chacun à se mouvoir: ce sont les jambes qui font l'escrimeur, par l'arme. Celui qui ne bouge pas se plantera assurément. Mais celui qui bouge trop prend le risque de s'épuiser ou de ne pas maîtriser tous ses gestes. Bref, tout est dans l'équilibre. Et là encore, on en revient à cette idée qu'un sport de combat, s'il a besoin d'une certaine violence à la base, doit convertir cette violence en énergie positive pour s'épanouir pleinement.
Bref, et c'est peut-être là le paradoxe, on peut être un très bon escrimeur tout en étant parfaitement pacifique avec ses semblables. Et sur le plan existentiel, on pourrait formuler les choses ainsi: vivre, c'est apprendre à combattre la violence qui est en chacun de nous pour mieux combattre celle des autres.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire