jeudi 30 avril 2009

Cochonailles en danger!


Pauvres cochons! Voilà qu'ils donnent la grippe maintenant. Et que dire des cochonailles? Sont-elles grippées elles aussi? Que vont devenir les salaisons d'Auvergne, les boudins du Perche (je parle de charcuterie, bien évidemment), les rosettes de Lyon, les saucisses de Strasbourg? Vont-ils être grippés eux aussi? Du reste, à quoi reconnaît-on un saucisson grippé? Est-ce qu'il éternue? Faut-il prendre sa température? L'emmener illico aux urgences?

Je lance un appel à la population: si vous rencontrez une pauvre saucisse grippée ou un Knacki qui se promène le nez plein et les oreilles bouchées, faites ce geste salvateur: couvrez-les d'un masque chirurgical et signalez-les au médecin le plus proche (à défaut, au charcutier du coin).

Pour le reste, faites comme moi. Si vous êtes grippé, restez au lit. Et si vous êtes mort, eh bien... restez aussi au lit. C'est plus sûr.

samedi 25 avril 2009

Andy and death


Le Grand Monde d'Andy Warhol, Grand-Palais.

Dans les années 80, on avait pu voir une rétrospective Andy Warhol au Centre Pompidou. Elle montrait comment Warhol avait commencé par la pub pour se tourner ensuite vers l'art, façon ready-made à la Duchamp, ce que l'Amérique lui avait offert comme champ d'investigation (les produits de consommation, les faits divers) et, par retour, l'image que Warhol se faisait de l'Amérique: un pays violent, dominé par la pulsion de mort.

L'exposition du Grand-Palais donne une autre vision de l'artiste, et on peut se demander si cette vision n'est pas elle-même conditionnée par une certaine façon de voir Warhol aujourd'hui: non plus le trublion du Pop Art, l'agitateur rock and roll ami de Lou Reed, mais un portraitiste mondain qui fait du people comme d'autres font des photos pour Paris-Match.

On y retrouvera des icônes célèbres: Marylin, Mao, Nixon, Blondie et bien d'autres, sans compter des artistes et amis de l'auteur. Warhol photographie ses sujets, les projette ensuite sur une toile -dont le format varie peu au fil des années -puis repasse dessus à la peinture acrylique. Rares sont les sujets qui sourient. On dirait plutôt des photos d'identité agrandies. Les grands ont leur Warhol: Armani, Caroline de Monaco, l'ancien patron de Fiat, etc. Warhol fait aussi son autoportrait: quatre crânes agrandis, vanité colorée nous rappelant que tout passe - et les gens connus comme les autres.

On ressort de cette exposition mitigé. Qui est Warhol? Un photographe qui s'essaye à la peinture? Un peintre lorgant vers la photographie? Un artiste mondain? Un pessimiste obsédé par la mort? Quoi qu'il en soit, cette exposition remporte un vif succès. Sans doute parce que Warhol a peint des gens connus. Et aujourd'hui, les célébrités, on adore ça. Notre époque est devenue warholienne. Et Warhol, lui, un peintre académique qui ne choque plus personne.

mercredi 22 avril 2009

Calder, sculpteur de l'air


Calder, Les années parisiennes, 1929-1933, Centre Pompidou.

Si vous avez un moment, allez voir l'expo Calder au Centre Beaubourg. Calder, bien avant ses mobiles colorés, a donné au fil de fer ses lettres de noblesse. Têtes, animaux, personnages de cirque, Calder réinvente l'art de s'émerveiller avec trois fois rien. Pas de matériaux artistiques ici. Bouts de bois, bouchons, fil de fer: Calder invente ses figures en piochant dans les rebuts qui lui tombent sous les mains.

D'un fil de fer, il fait apparaître Joséphine Baker, la Louve de Rémus et Romulus ou un Hercule en prise avec un lion. Calder, c'est un magicien de l'air - un peu comme ces trapézistes de cirque qu'il admirait tant. Du reste, on peut se demander si c'est vraiment le fil de fer qui crée la sculpture, ou plutôt le vide qu'il cherche à enserrer et qui donne sa forme à la chose.

Surtout, Calder semble réconcilier l'inconciliable: le dessin et la sculpture. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer l'ombre projetée de ses oeuvres sur les murs blancs. On voit alors apparaître un dessin qui ressemble à son modèle et qui s'en détache aussi, selon le point où on se tient, la lumière ou l'oscillation de la sculpture.

Cette exposition est un enchantement. Et pour huit Euros, on peut acquérir le catalogue: un ouvrage grand format, souple, très agréable à consulter et d'une qualité photographique sans égal.

jeudi 16 avril 2009

Ellénore, mon amour.


Adolphe de Benjamin Constant compte parmi mes livres préférés. Ecrit en 1816, on le cite souvent en exemple pour évoquer la passion romantique. De quoi s'agit-il? De trois fois rien... Adolphe, 24 ans, tombe amoureux d'Ellénore, une femme qui a dix ans de plus que lui, une certaine fortune et un mari comme on en fait encore aujourd'hui: doux, aimant, mais un peu ennuyeux. Et après? Après, Adolphe ne tient plus vraiment ses promesses, la passion le quitte, etc. Mais Ellénore, elle, s'est enflammée pour toujours! Et elle ira jusqu'au bout. Jusqu'à l'abandon de soi. Jusqu'à la mort, cet autre rivage de l'absolu.

J'ai revu aujourd'hui l'adaptation filmique de Benoît Jacquot, avec Isabelle Adjani dans le rôle d'Ellénore. Ce film est sublime. Sublime et silencieux. Epuré. Comme le style de Benjamin Constant. Beaucoup de plans rappelant l'atmosphère de certains tableaux romantiques. Musique de Schubert, je crois. Toujours le même thème, revenant comme une obsession au fil des séquences. Jacquot filme Adjani comme s'il en était amoureux. Et nous, modeste public, on en reste baba, le coeur serré, les yeux humides devant tant de délicatesse et d'émotion. Adjani crêve l'écran. Et elle en crêve, d'ailleurs, à force d'aimer trop et de ne pas se sentir aimé. Quant à Adolphe, eh bien... Il ne lui reste plus qu'à pleurer. S'il lui reste encore assez de larmes.

mercredi 15 avril 2009

Ralentir, Travaux!


Pour ceux que cela intéresse, éditeurs et amis, je vous fais part de mes travaux en cours. J'ai trois romans jeunesse "sous le coude":

-deux romans policiers: une histoire de trafic de chiens (Un Chien nommé Trésor) et une histoire ésotérique autour d'un manuscrit infernal (Le Livre des Ténèbres),

-un roman fantastique se déroulant sur une île de rêve où des enfants disparaissent mystérieusement et qui tente de réactualiser le mythe de Cronos (L'Ile de la faim).

A cela, on peut ajouter un projet d'album: Petit-Sucre (qui a fait l'objet d'une adaptation filmique), et deux contes parodiques: Le Pire Noël; Jean-René, dragon chanteur.

Parallélement à tout ça, j'aimerais mettre de l'ordre dans mes nouvelles pour en faire un recueil, poursuivre au quotidien l'écriture de haïkus que j'ai engagée l'année dernière (à publier sur le web, peut-être) et développer un roman policier sur lequel je planche en ce moment.

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, je cherche toujours un éditeur pour mon anthologie littéraire sur le tabac, La Mélancolie du fumeur. Ouf, je crois que j'ai fini! Merci de faire passer le message...

lundi 13 avril 2009

Merci, Bernard!


Au risque de paraphraser ce titre, je te dis: merci, Bernard, pour tes réflexions sur la mise en scène de certains opéras ces dernières années! A te lire, on voit bien que la scène française semble contaminée par l'esprit de sérieux au détriment du plaisir du spectateur.

Le metteur en scène devient un éminent professeur soucieux de faire la leçon à des spectateurs changés en écoliers! Il y a quelques années, j'ai assisté à une représentation des Trois soeurs de Tchekhov au Théâtre de la Ville. La pièce avait été transposée en pleine glaciation soviétique. Du reste, au cas où on ne l'aurait pas compris, un comptoir réfrigéré trônait sur la scène. Et pour bien nous faire comprendre qu'on ne rigolait pas du tout au temps du Soviet suprême, les acteurs faisaient la gueule et s'arrangeait pour rendre leur diction quasi inaudible. Je suis parti avant la fin, pensant que Tchekhov - ce tragédien de l'intime - méritait un autre traitement.

En fait, quand l'esprit de sérieux pointe son nez, il est formellement interdit de rire, sous peine de passer pour un idiot. C'est le commencement du totalitarisme. Et bien des metteurs en scène, se réclamant pourtant des idées les plus généreuses, semblent parfois prendre ce chemin-là - au risque de mépriser le public!

samedi 11 avril 2009

Daniel Mermet Gnangnan


Hier, dans ma voiture, j'écoutais Daniel Mermet sur France-Inter. Le bon Daniel, pour nous convaincre que la radio de service public n'est plus comme la radio de papa, nous a offert un florilège de chroniques prises dans les archives de Radio France.

D'abord, une chronique de Michel Droit, obscur académicien et amateur de safaris africains aux temps du giscardisme triomphant, fustigeant la liberté sexuelle et en particulier celle éclosant sur les écrans de ciné dans les années 70. Ensuite, remontée dans le temps: la France de Vichy, celle de Radio-Paris, avec la voix de Philippe Henriot, collabo notoire et fusillé à la Libération, déversant ses invectives contre le résistant Pierre Dac qui avait rejoint De Gaulle en Angleterre. Suit la réponse de Pierre Dac, magnifique plaidoyer en faveur de ses origines alsaciennes et d'un père disparu dans les tranchées de la Marne. Après, retour aux années 60, où un chroniqueur dont j'ai oublié le nom, s'en prenait à l'existentialisme et à ce sale gaucho de Sartre, à tous ces vilains jeunes qui se droguent en écoutant de la musique de sauvage, etc.

Et tout ça, pour prouver quoi aux auditeurs dont je suis? Qu'aujourd'hui, c'est mieux qu'hier? Que Pierre Dac vaut mieux qu'un collabo? Que l'Histoire retiendra Sartre et pas ce semi-gâteux de Michel Droit? Mais ça, on le savait, non? Alors, où veut-il en venir ce bon Daniel?

A pas grand-chose. A nous faire la morale, comme d'habitude. Ou plutôt, à nous faire "la moraline", succédanné humanisant très prisé chez les vieux babas et les jeunes bobos qui voient du fascisme partout.

Bref, impossible d'être contre, à moins de préférer Henriot à Pierre Dac! Avec Mermet, pas de problème: on pratique l'esprit critique sans peine. Et puis, grâce à lui, on sait enfin - au cas où on l'aurait oublié - où sont le Bien et le Mal. Le Mal est fatalement réac et le Bien toujours progressiste. A ce compte-là, si on regarde la littérature, il y a sans doute beaucoup d'auteurs que Mermet - ce saint progressiste - doit s'interdire de lire, ou alors en cachette; en vrac, on peut citer Molière (soutenu par ce facho de Louis XIV), Chateaubriand (de vieille noblesse bretonne, carrément facheux), Flaubert (pas vraiment copain avec La Commune, celui-là), ou encore Maupassant (super réac de chez réac, et syphilitique en plus!), etc.

On me dira: quel rapport avec l'émission d'hier?

Qu'il est facile, quand on a une heure d'antenne, d'enfoncer des portes ouvertes en prenant des accents de libérateur guévariste, d'égréner des lieux communs en se posant comme un libertaire de studio. Ca ne fait de mal à personne, mais ça n'aide pas non plus à penser.

Bref, à force de fustiger les méchants, Daniel Mermet finit par devenir la caricature de ceux qu'il dénonce: un petit Fouquier-Thinville braillard, qui voudrait nous convaincre que le monde d'aujourd'hui se sépare entre les méchants cow-boys et les gentils indiens.

Salut, Daniel Gnangan! En ce qui me concerne, je crois que je vais aller me remettre une chanson de Jacques Dutronc. Celui-là, au moins, n'a jamais fait la leçon à personne!

mercredi 1 avril 2009

Dantec, écrivain high-tech


Maurice G. Dantec, Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute, Albin Michel, 2009.

Ça commence comme un bon vieux polar avec un hold-up bien huilé, propre et rapide, puis dès la page 18, on entre dans le cyber-polar, un genre que Dantec affectionne depuis Les racines du mal. Notre couple de braqueurs - un ancien flic qui a liquidé pour de bon l’héritage de 68 et une fille de 21 ans, pas vraiment causeuse, plutôt cogneuse – sont affectés d’un neurovirus qui leur permet de connaître des états de conscience étranges qui les relient au cosmos. Recherchés pour le braquage, mais aussi et surtout parce qu’ils se sont échappés d’un centre de confinement où l’on soustrait des gens affectés du même virus qu’eux, ils prennent le large jusqu’à Abidjan, via l’Espagne et le Maroc.

Parallèlement à cette cavale, les télés du monde entier suivent la dérive d’une station russe autour de la terre, station habitée par un étrange fantôme : Albert Ayler, pape du free jazz dessoudé bêtement pour une histoire de came en 1970 et qui erre, tel un fantôme dans les limbes, dans cette station perdue en espérant trouver la Rédemption qui lui permettra de quitter les eaux de New York pour enfin rejoindre l’infini, c’est-à-dire l’autre nom de Dieu. Mais pour cela, Albert a besoin qu’on l’aide et qu’on l’aime. Karen, la braqueuse, grâce à ses pouvoirs extraordinaires (elle tue un homme d’un simple regard), va peut-être faire quelque chose pour lui…

Pour une fois, Dantec a fait plus court que d’habitude. Manque de souffle ou volonté de resserrer en 200 pages l’essentiel de sa pensée et de son univers ? Ici, le polar n’est qu’un prétexte pour nous parler d’autre chose : de la mort, du cosmos, de Dieu. Et aussi pour dresser le tableau inquiétant d’une société future (en fait, assez proche de la nôtre) où le libéralisme et le contrôle des individus semblent faire bon ménage (merci, Edvige !). Les allusions prolifèrent, surtout vers la fin de l’ouvrage : arbre des Sefirots, kabbale juive et tout le toutim ! comme le dit le narrateur.

En fait, Dantec ressemble à un auteur de polars qui aurait lu Raymond Abellio et qui essaierait de faire la synthèse entre les deux. Pour ma part, j’aime beaucoup cette façon de « casser les codes » et d’emmerder le lecteur avec des digressions cyber-philosophiques (et jazzistiques), mais le polardeux moyen, affecté du simple virus de la lecture, risque peut-être de lâcher le bouquin avant la fin. Je l’ai lu jusqu’au bout et en deux soirées, en remerciant Dantec d’avoir remis Albert Ayler au goût du jour, moi qui ne jurait que par le free à la fin des années soixante-dix.