dimanche 25 octobre 2009

Eloge de la Beauce


Pour beaucoup, la Beauce représente le degré zéro du paysage. Des champs à perte de vue, peu d'arbres; un dénuement à fleur de ciel. Pourtant, si on prend le temps de la contempler, la Beauce est un paysage ouvert et changeant.

Ouvert, cela va de soi. De quelque côté que l'on se tourne, le ciel y déploie son parapluie sans bords. On est pris de vertige, comme si on se tenait quelque part dans le cosmos. On se sent petit, happé par l'immensité, comme dans les deux infinis de Pascal. Mais cette petitesse est relative: il suffit de se pencher vers la terre, d'observer les sillons creusés par le travail des hommes, pour redécouvrir une assise, un enracinement. Car la Beauce, c'est avant tout cela: un paysage de labours; tout le contraire d'un désert. Et dans ces sinuosités créées par les machines, à différents moments du jour ou de l'année, on voit la lumière affleurer, ondoyer, communier avec la terre.

La lumière apparaît alors comme ce qui unit ce qui paraît séparé: la terre et le ciel, le monde des hommes et le cosmos dénué de bords et de centre. Mais elle est changeante en même temps, si bien que le ciel semble parfois prendre le pas sur la terre, ou inversement. Tantôt le ciel est bas, tantôt c'est la terre qui est haute, comme on parle de haute mer quand les dernières habitations disparaissent à tout jamais derrière l'horizon.

Ajoutons à cela l'influence des saisons, les différentes cultures, le temps des semailles et celui des moissons, et l'on découvre combien ce paysage, si souvent méprisé des automobilistes qui le trouvent morne, est riche de variations comme l'est un nuancier chez le marchand de couleurs.

Parfois, la Beauce désespère: le regard n'accroche pas; il lui manque un point d'intimité pour se fixer. Parfois aussi, la Beauce exalte: sentiment océanique, étreinte d'immensité.

En fait, la Beauce est un paysage extrême, moins fait pour ceux qui cherchent une correspondance entre ce qu'ils voient et leur moi intime, que pour ceux qui ne craignent pas d'aller plus loin que leur ego.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire