jeudi 25 juin 2009

Melville, cinéaste de la vacuité


Jean-Pierre Melville, L'Armée des ombres.

L'autre soir, j'ai revu à la télé pour la énième L'Armée des ombres de Jean-Pierre Melville avec Lino Ventura dans le rôle principal. Et pour la énième fois, j'ai ressenti -intacte- la même émotion que ce film avait déclenché en moi quand je l'avais découvert dans mon adolescence. Du reste, le film terminé, la télé éteinte, je suis resté un petit moment dans le salon sans rien faire ni parler. C'était comme si le silence du film de Melville -silence visuel que l'on retrouve aussi bien dans Le Samouraï que dans Le Cercle rouge- s'était incrusté en moi pour me rappeler combien il n'y a pas de valeur plus haute et plus tragique que le sacrifice de soi.

Melville, on le sait, était dans la Résistance pendant l'Occupation. On sait moins peut-être qu'il s'intéressait aussi beaucoup au bouddhisme (d'où la citation qui ouvre Le Cercle rouge), surtout dans la dernière partie de sa vie. D'où ce paradoxe à propos de L'Armée des ombres: film sur la Résistance, mais film inspiré aussi par une certaine bouddhéité. Celui qui résiste -en l'occurrence le personnage incarné Lino Ventura- est celui qui se tait, parce qu'il a vaincu la peur, c'est-à-dire les tourments illusoires de l'ego. Dès lors, il peut mourir et se sacrifier. Il peut aussi abattre froidement un soldat ou un traître (cf la scène où il s'agit d'exécuter un type qui a trahi le réseau). En fait, le résistant fait l'expérience de la vacuité, au sens bouddhiste du terme. D'où ce silence qui habite le film tout au long et qui a continué de m'habiter longtemps après l'avoir revu.

Celui qui parle ne sait pas. Celui qui sait ne parle pas. (Lao-Tzeu)

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